Pour une pensée décoloniale positive
Excellent petit ouvrage de Jean Viard qui essaie de nous proposer une pensée décoloniale positive.
Jean Viard tente de faire le point sur les émeutes de juillet 2023. Si il reprend la phrase de Martin Luther King pour assumer le mot émeute que bien d’autre ont du mal à reprendre craignant de céder à la montée conservatrice en France, c’est pour souligner qu’une émeute est un langage, « un langage à décrypter. Un langage qui attend un autre langage, un dialogue, une réponse. une réponse… une place surtout. Dans un France laïque, républicaine dans une Europe écologique et démocratique. Oui mais avec eux. Des français maintenus aux lisières et l’islam avec une place culturelle affirmée. »
Pourtant si nous voulons faire une place aux jeunes dans une Europe multiculturelle et multireligieuse il nous faut admettre que les 9000 recensés par Darmanin (dont 4000 arrêtés et 30% de mineurs) étaient 50 000 selon Jérôme Fourquet et probablement plusieurs centaines de milliers qui ne se sentent chez eux nulle part. « Cette partie de la société est française mais elle ne se reconnaît pas comme telle., dans son rapport avec la police, bien entendu, dans son rapport avec le marché du travail, dans son rapport avec les codes culturels français. »
Décrypter la question postcoloniale nécessite de démasquer les leurres que la société françaises a montés pour la masquer.
Passons en revue ceux que l’auteur nous propose de renverser :
- Les mots : quartier populaire, politique de la ville. Ailleurs ce n’est pas la ville ? Nous sommes le seul pays à parler de quartier, ailleurs on parle de faubourg.
- Interdiction des statistiques ethniques pour masquer les évolutions réelles de la société. Cela favorise l’extrême-droite et les peurs.
- Nos jeunes sont largement biculturels. Jouons cela comme un atout comme une fierté. Formons nos jeunes vers le numérique, l’intelligence artificielle, la révolution écologique pour notre bénéfice et le bénéfice du monde afro méditerranéen.
- Pacifier le cannabis. Encore et toujours lié à l’idée que le Haschich est lié à la communauté afro-méditerranéenne. Morceau de bravoure de l’auteur qui part de l’analyse des 3 275 points de drogue en France pour montrer que ce sont 20 à 30 personnes qui vivent de ces points de deal soit de l’ordre de 100 000 personnes qui sont impliqués dans cette économie. Quant le ministre de l’intérieur parle de « guerre » Jean Viard lui demande : c’est une guerre contre 100 00 jeunes ? Absurde. Alors que la légalisation du Haschich est en marche en Californie, au Canada, au Portugal, En Belgique, en Allemagne
Passage particulièrement fort de son livre Jean Viard appelle à une pensée sur la jeunesse. Il propose de réunifier la jeunesse avec un revenu universel jeune, des résidences jeunes, des accompagnements de projets multiples.
En conclusion après avoir souligné les évolutions fortes (dont il est un observateur attentif) que connaît notre société : « 63% des bébés naissent hors mariage, 30% des couples sont recomposés. Le CDI fait moins rêver. L’Eglise catholoique ne structure plus la campagne. Une nouvelle bataille s’est installée la bataille du climat.
Ne pas les prendre en compte peut favoriser les extrémismes, dit-il alors que nous sommes en train de bâtir une société de l’autonomie du choix de ses appartenances, de ses réseaux, de ses amours, de sa vie.
Bifurquons et écrivons ensemble le récit d’une France et d’un monde hybride
Ce petit livre dessine quelques axes simples de résistances aux idées reçues bien utiles par les temps qui courent.
Frédéric Brun