Quand j’ai commencé à travailler en IOE (investigation et orientation éducative) et AEMO (assistance éducative en milieu ouvert) en 1995, dans une grande association parisienne, le quotas de mesures (ou file active) était de 18 (18 enfants) ; ce quota était en vigueur depuis des années. Peu après mon arrivée, j’ai eu l’opportunité de lire un document émanant du centre de recherche de Vaucresson de la PJJ : ce document affirmait que 18 mesures étaient un maximum pour réaliser un travail de qualité.

En 2005, je change d’association et travaille en IOE (devenue MJIE mesure judiciaire d’investigation éducative) : le quota est alors de 21, ce qui implique une organisation du travail plus serrée ; lors d’une formation interne sur « le temps de travail », toute l’équipe indique avoir le sentiment de courir après le temps ; une année, la direction nous demande de réaliser une suractivité (pour une obscure histoire de rattrapage) et nous impose alors un quota de 26 : là, on ne court plus après le temps, on court derrière l’activité avec le sentiment de la voir défiler comme si nous n’étions plus que spectateur.

En 2024, après différents changements, nouveau lieu de travail en MJIE, avec un quota de 23 ! Lors de l’entretien d’embauche, je verbalise ma surprise, en expliquant mon « parcours de quota » : la directrice me dit qu’il y a des lieux qui sont à 26-27 mesures. Plus tard dans l’entretien, elle exprime sa difficulté à recruter des éducateurs spécialisés … A-t-elle entendu parler des problèmes que pose l’intensification du travail ?

Quelqu’un à qui je parle de cela me dit que cette histoire de quota n’a pas de réalité juridique, il n’y a pas de document fixant officiellement le quota à tant ; mais alors, comment il est décidé, et selon quels principes ? Et j’ajoute : avec quel « éthique de travail » ?

Moralité : j’aimerais bien retrouver ce document de la PJJ ; mais en fait, je ne suis pas sûr que cela changerait quelque chose à cette inflation, apparemment « discrète » (comme la « discrète chalandisation » de Chauvière) mais réelle dans ses effets de surcharge de travail et dégradation du travail de qualité.